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4.           Enjeux environnementaux


4.1.    Limites planétaires dépassées par la France

Mode de vie non soutenable

Surconsommation => surutilisation de ressources => surproduction de déchets => surpollutions

Selon WWF[29], « tous les ans, l’ONG Global Footprint Network calcule « le Jour du Dépassement » (Overshoot Day, en anglais) sur la base de trois millions de données statistiques de 200 pays. C’est la date à partir de laquelle l’empreinte écologique dépasse la biocapacité de la planète.

Autrement dit, le jour à partir duquel nous avons pêché plus de poissons, abattu plus d’arbres, construit et cultivé sur plus de terres que ce que la nature peut nous procurer au cours d'une année. Cela marque également le moment où nos émissions de gaz à effet de serre par la combustion d’énergies fossiles auront été plus importantes que ce que nos océans et nos forêts peuvent absorber. »

En 2022, la France a consommé l’ensemble des ressources que la Terre peut lui fournir en un an le 5 mai alors que dans des conditions de soutenabilité optimales, ce jour de dépassement devrait survenir le 31 décembre. Si tous les habitants de la planète avaient le même niveau de vie que les Français, il serait nécessaire de disposer de 2,9 planètes terre pour soutenir ce niveau de consommation.

Dépassements internationaux des limites planétaires 2022

Les limites planétaires s’imposent peu à peu comme un cadre de lecture et d’actions environnementales.

·La Commission Européenne a fixé les objectifs de développement soutenable de l’Union Européenne à l’horizon 2050 à partir des limites planétaires, dans son rapport « Bien vivre dans les limites de notre planète[30]».

·Le « Rapport sur l’État de l’environnement[31]  » de l’Agence européenne pour l’environnement rendu en 2020 hisse les limites planétaires au rang de « priorité environnementale » et propose un cadre technique pour opérationnaliser le concept de limites planétaires.

·Dans le sillage du projet « Constitution écologique[32]» qui souhaite que les limites planétaires soient intégrées à la Constitution, la Convention Citoyenne pour le Climat a proposé au gouvernement en 2020 de créer une « Haute Autorité des Limites Planétaires[33] » déclinable en Hautes Autorités Régionales des Limites Planétaires (HARLP).

Dans le rapport sur l’État de l’environnement 2019 du Ministère de la Transition Écologique et solidaire[34], un chapitre entier est consacré à l’analyse des contributions du pays au dépassement ou au respect des limites planétaires. La France dépasse six des neuf limites et le rapport précise « qu’outre le fait de constituer un cadre d’analyse novateur, l’approche inédite des limites planétaires correspond à la nécessité d’actualiser les informations environnementales en offrant aux citoyen.nes et aux décideurs une compréhension plus globale de la situation nationale ».

En 2019, six limites planétaires dépassées pour la France : émissions de CO2 toujours trop élevées, érosion de la biodiversité, perturbation du cycle de l’azote et du phosphore, contribution à la déforestation mondiale, acidification des océans et surutilisation des ressources d’eau douce (« Prélèvement global en deçà du seuil, mais les volumes prélevés en été, notamment pour le refroidissement des centrales nucléaires ou pour l’agriculture, dépassent localement les volumes d’eau renouvelables disponibles »id 6,p.12). Deux limites en cours de stabilisation ou de diminution : l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère. Une limite non évaluée en 2019 car seuils non encore définis : les entités nouvelles dans la biosphère (« La France contribue aux rejets de polluants chimiques dans l’environnement sur son territoire, mais également dans les océans ex. déchets plastiques »id 6,p12).

Le 18 janvier 2022, une étude du Stockholm Resilience Center[35] estime que l’humanité a franchi une limite planétaire supplémentaire sur les neuf reconnues : celle liée à la pollution de la biosphère par des entités nouvelles, notamment des plastiques.

Le 26 avril 2022, une autre étude du Stockholm Resilience Center et du Postdam Institute[36] détermine que la limite concernant le cycle de l’eau douce a été dépassée pour sa partie « eau verte », c’est-à-dire l’eau absorbée par les végétaux et les sols qui est primordiale pour la régulation de nombreux processus terrestre.

[29] https://www.wwf.fr/jour-du-depassement
[30] https://ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/factsheets/7eap/fr.pdf
[31] https://notre-environnement.gouv.fr/ree/
[32] https://www.notreconstitutionecologique.org/
[33] https://www.ecologie.gouv.fr/suivi-convention-citoyenne-climat/les-mesures-pour-le-climat/se-nourrir/article/adopter-une-loi-qui-penalise-le-crime-d-ecocide-dans-le-cadre-des-9-limites
[34] https://notre-environnement.gouv.fr/donnees-et-ressources/ressources/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement-en-france/article/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement-en-france-edition-2019?type-ressource=liens&ancreretour=ancreretour1353&lien-ressource=5692
[35] https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.1c04158
[36] https://www.nature.com/articles/s43017-022-00287-8.epdf?sharing_token=hier2n7O_tPClC8-r06bmdRgN0jAjWel9jnR3ZoTv0P2KmS6Qajbkp2nZuUVCQ0Vp_P0L_fySeHBsRgAquqylOp9LnWtWwctu_gtf2IN3rQca4cpkK1yn9HaZMp0U7_CeAUSZHD1Xu5KL__3KimuwqoA5hdvBx21Dt1POSVkJdo%3D


4.2.    Une très forte empreinte écologique de la France
Malgré les progrès technologiques, nous surexploitons les ressources au détriment des autres populations, des autres espèces et des générations futures. En France, les choix politiques et les investissements financiers, nous ont conduits à externaliser une grande part des impacts environnementaux de nos modes de vie. Aussi, nous sommes la plupart du temps dans le groupe de tête des pays présentant les plus grandes empreintes environnementales[37] :


Nous surconsommons des matières premières, des surfaces de terre, d’eau dite bleue[38] et des énergies bien au-delà de ce que nous pouvons produire sur le territoire. Nous consommons quatre fois plus d’eau à l’étranger pour la production des biens que nous importons que l’eau que nous consommons directement sur le territoire national. Pour l’empreinte matière, cela est aussi flagrant si l’on compare les importations de matières premières et produits entre 1990 et 2016, +19% en millions de tonnes alors que la population a augmenté de 12% dans l’intervalle. Bien évidemment, les matières et les produits deviennent à un moment de leur cycle de vie des déchets.

« La répartition entre les matières premières, les produits semi-finis et finis dans les importations tend à se modifier. Entre 1990 et 2018, la part des matières brutes a diminué, passant de près de 60 % à un peu moins de 50 % de la masse totale des importations. Pour 2018, elle s’établit à 48 %. Le reste est constitué de produits semi-finis et de produits finis, chacun pour 26 %.

Zoom : l’extraction des minerais métalliques et ses impacts sur l’environnement Les minerais métalliques et produits dérivés comprennent essentiellement les minerais à base de fer, de cuivre, d’aluminium et bauxite, et de divers autres métaux (nickel, plomb, zinc,…). Des importations croissantes se sont substituées à une extraction intérieure de minerais métalliques aujourd’hui quasi nulle en France. En 2018, près de 58 millions de tonnes sont importées, dont environ 70 % sont sous forme finie et semi-finie. D’une certaine manière, la France transfère ainsi à l’étranger les impacts environnementaux induits par ses besoins en minerais métalliques et produits dérivés.»[39]

[37] https://economie.eaufrance.fr/lenvironnement-en-france-2020-focus-sur-les-ressources-naturelles

[38]Les eaux bleues désignent les liquides s'écoulant dans les lacs et rivières et qui sont pauvres en matières organiques et en êtres vivants (en comparaison aux eaux vertes).
[39] https://www.notre-environnement.gouv.fr/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement/themes-ree/pressions-exercees-par-les-modes-de-production-et-de-consommation/prelevements-de-ressources-naturelles/utilisation-des-ressources-naturelles-en-france/article/evolution-de-la-consommation-interieure-de-matieres-en-france


 4.3.    Atteintes au climat
En plus des dégâts colossaux des sites miniers en termes de pollution de l’air, de l’eau et de la terre rendue inhabitable après exploitation, il faut ajouter que la manufacture des produits et les traitements des minéraux se font dans des pays dont les sources d’approvisionnement énergétiques sont principalement à base de ressources fossiles (charbon, pétrole, gaz) donc fortement émettrices de gaz à effets de serre. Autre fléau environnemental que nous concourrons à faire accroître, par nos modes de vies et de consommation. Au niveau mondial, la consommation d’énergie a doublé en 40 ans alors que la population s’accroissait de 80%.

Plus des trois quarts de l’énergie mondiale proviennent d’énergies fossiles, principales sources d’émission de gaz à effet de serre.

L’unique « amélioration » que nous pouvons observer sur le territoire national est la diminution de la consommation d’énergie qui ne peut être imputée que très partiellement à des actions politiques, mais plus certainement à la crise financière de 2008, à la pandémie du COVID 19 et à une moindre disponibilité des produits pétroliers au niveau mondial. En trente ans, nous sommes revenus en France au niveau de consommation d’énergie de 1990 avec une légère redistribution des sources d’approvisionnement et de façon contrainte – tout en faisant produire une grande partie de nos biens par des pays encore fortement consommateurs en énergie fossile.

Il semblerait que seule la récession économique a pu jusqu’alors infléchir notre boulimie de consommation aux dépens de notre environnement, de la population la plus défavorisée du territoire, des populations dont nous saccageons indirectement leurs lieux de vie et de toutes formes de vies et de leurs futures générations.

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-de-lenergie-edition-2021


4.4.    Atteintes à la biodiversité
Lors de l’adoption du rapport intergouvernemental d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques de 2019, son président Sir Robert Watson déclarait « La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».[41] Ce rapport fait la démonstration des atteintes à la biodiversité qui sont imputables à l’expansion humaine et à l’intensification de son utilisation des ressources naturelles, avec pour conséquences pour n’en citer que quelques-unes :

· Les trois quarts de l'environnement terrestre et environ 66 % du milieu marin ont été significativement modifiés par l’action humaine.

· Plus d'un tiers de la surface terrestre du monde et près de 75 % des ressources en eau douce sont maintenant destinées à l’agriculture ou à l’élevage.

· La valeur de la production agricole a augmenté d'environ 300 % depuis 1970, la récolte de bois brut a augmenté de 45 % et environ 60 milliards de tonnes de ressources renouvelables et non renouvelables sont maintenant extraites chaque année dans le monde - quantité qui a presque doublé depuis 1980.

· La dégradation des sols a réduit de 23 % la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale.

· Les zones urbaines ont plus que doublé depuis 1992.

· La pollution par les plastiques a été multipliée par dix depuis 1980 ; environ 300-400 millions de tonnes de métaux lourds, solvants, boues toxiques et autres déchets issus des sites industriels sont déversées chaque année dans les eaux du monde, et les engrais qui arrivent dans les écosystèmes côtiers ont produit plus de 400 « zones mortes » dans les océans, ce qui représente environ 245.000 km2, soit une superficie totale plus grande que le Royaume-Uni...


L’IPBES soutient qu’il est encore possible de conserver, de restaurer et d’utiliser la nature de manière durable et d’atteindre d’autres objectifs sociétaux – notamment pour l’alimentation, l’eau et l’énergie, la santé et le bien être pour tous. Des leviers critiques ont été identifiés afin d’assurer les transformations nécessaires en direction de la durabilité de la biodiversité :

« 1) permettre des visions d’une bonne qualité de vie qui n’impliquent pas une consommation matérielle toujours croissante ;

2) réduire la consommation totale et les déchets, notamment en traitant différemment dans des contextes différents aussi bien la croissance démographique que la consommation par habitant ;

3) rappeler les valeurs existantes et largement partagées concernant la responsabilité, afin qu’elles influent sur les nouvelles normes sociales pour la durabilité, et étendre en particulier la notion de responsabilité de manière à inclure les effets associés à la consommation ;

4) traiter les inégalités, en particulier de revenu et de genre, qui compromettent la capacité en matière de durabilité ;

5) garantir un processus décisionnel inclusif, un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources, ainsi que le respect des droits de l’homme dans les décisions portant sur la conservation ;

6) rendre compte de la dégradation de la nature découlant des activités économiques locales et des interactions socioéconomiques environnementales à distance comme, par exemple, le commerce international ;

7) assurer une innovation technologique et sociale respectueuse de l’environnement, prenant dûment en compte les possibles effets de rebond et les régimes d’investissement ;

8) promouvoir l’éducation, la production de connaissances et la conservation de différents systèmes de connaissances, y compris les sciences et les savoirs autochtones et locaux se rapportant à la nature, à la conservation et à l’utilisation durable. » [42]

Nos modes de vie actuels perturbent les grands cycles biogéochimiques planétaires au point que nous provoquons une extinction de masse de la biodiversité et rendons la terre inhabitable. Dans le rapport de 2020 Planète Vivante[43], le WWF fait état d’une chute des populations de vertébrés entre 1970 et 2016 de 68% dans le monde.

[41] https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr

[42] https//ipbes.net/sites/default/files/202002/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf

[43] https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante