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3.5.    Qualité de vie dégradée proche de l’incinérateur
Durant l’hiver 2022, nous avons mené une enquête[18] auprès des riverains de l’incinérateur sur leur quotidien proche de cette installation de traitement des déchets. Une majorité des répondants méconnaissent et manquent d’information sur l’incinérateur. Les nuisances les plus fréquemment évoquées sont les dépôts de suie et poussières qui ne sont pas seulement imputables à l’incinérateur, puis les bruits de fonctionnement et les odeurs d’ordures ménagères, pour des perceptions de modérées à insupportables par plus de la moitié des participants. En cas de nuisance subie, l’écrasante majorité (94%) déclare ne pas savoir comment signaler le problème et avoir renoncé à le faire. 95% souhaiteraient que la collectivité en charge de l’incinérateur recueille leur avis de façon périodique (une fois par an).

Proche de l’incinérateur, la qualité de vie des riverains est particulièrement atteinte due au cumul des expositions à des facteurs de pollutions et de bruit. L’implantation actuelle de l’incinérateur est problématique, le panache des émissions aux plus fortes concentrations se trouvant au-dessus de zones urbaines densément peuplées (proximité directe de deux zones urbaines sensibles, Beaubreuil et La Bastide) et de zones pavillonnaires avec jardins. Dans un rayon de 1,5 kilomètre autour de l’incinérateur se trouvent neuf écoles primaires, collèges et centre de loisirs.

Le quartier de Beaubreuil est fortement impacté par pollution de l’air et niveau de bruit important si l’on considère en plus de l’incinérateur le trafic routier sur l’autoroute A20.

L’impact sanitaire prépondérant de la pollution de l’air est principalement dû à l’exposition tout au long de l’année aux niveaux moyens de pollution et non aux pics[19].

 L’ORS[20] Région Paris rappelle dans un focus sur la mise en place de zone à faibles émissions : « L’exposition à la pollution de l’air favorise le développement de pathologies chroniques graves, en particulier des pathologies cardiovasculaires, respiratoires et des cancers. Un nombre croissant d’études pointent également des impacts sur la reproduction, sur le développement de l’enfant, sur les maladies endocriniennes ou encore neurologiques. Cela se traduit par une augmentation de la mortalité, une baisse de l’espérance de vie et un recours accru aux soins. » Il est à noter que la CU de Limoges fait partie des agglomérations de + de 150 000 habitants qui ont l'obligation de définir un périmètre au sein duquel les véhicules les plus polluants ne seront plus autorisés d'ici au 31 décembre 2024[21].

Cumul de pollution avec les infrastructures routières : Niveaux annuels de particules fines et de dioxyde d'azote NO2 et particules en suspension PM10 et PM2,5 issus de la modélisation de l'agglomération de Limoges-Métropole en 2018 réalisé par Atmo-Nouvelle Aquitaine, principalement dû au transport. Toutes les données fournies sont en μg/m3 (microgramme par mètre cube). Statistiques selon la réglementation en vigueur pour chaque polluant.

Les émissions polluantes des routes s’ajoutent aux émissions polluantes de l’incinérateur.

https://opendata.atmo-na.org/dataset/modelisations/3/PM10/aMean/2018

Aggravation du bruit autour de l’incinérateur : au début de son exploitation, le niveau de bruit maximal admissible en limite de propriété, fixé par arrêté ministériel du 20 août 1985 s’établissait à :

- 60 dB(A) de 8h à 20h pour la période diurne

- 50 dB(A) de 20h à 8h pour la période nocturne

Aujourd’hui, l’arrête préfectoral du 28/05/2014 fixe ces limites à :

- 67dB(A) de 7h à 22h pour la période diurne

- 60 dB(A) de 22h à 7h pour la période nocturne

D’évidence les niveaux maximums de bruit que peut émettre l’installation ont clairement augmenté aussi bien de jour comme de nuit, sans compter un allongement significatif de la plage diurne de 3 heures. Pour rappel, +3 dB(A) revient à tolérer que le bruit puisse être doublé. Ainsi, un seuil de bruit qui passe de 50 dB(A) à 60dB(A) représente une augmentation de 10 fois l’énergie sonore.

Les valeurs mesurées en 2020, si elles respectent la règlementation actuelle, n’auraient pas été tolérées en début d’exploitation. Cette régression ne peut être que mal vécue par les riverains.

Mesure du bruit autour d'une ICPE :

La loi retient deux types de bruit : le bruit ambiant (sans ICPE) et le bruit avec ICPE ; l'émergence admissible qui est la différence entre le bruit sans l'ICPE et le bruit avec l'ICPE en fonctionnement pour la période de 7h à 22h (hors dimanche et jours fériés) ne doit pas dépasser +5dB(A) et +3dB(A) de 22h à 7h pour les dimanches et jours fériés avec un seuil maximal aujourd'hui à ne pas dépasser de 67 dB(A).

Le taux mesuré en 2021 est de 62dB(A) le jour, l'exploitant ne mesure pas le bruit ambiant sans ICPE, nous ne pouvons déterminer s'il respecte l'émergence admissible autorisée de +5 dB(A). 

Document CSS 2021 : https://www.haute-vienne.gouv.fr/content/download/33502/242400/file/Pr%C3%A9sentation CSS 2021 - Exploitation 2020.pdf

En plus de l’incinérateur, les riverains de l’incinérateur ont à subir des niveaux de bruit importants du fait des axes routiers A20, D142[24], aussi bien de jour comme de nuit. L’exposition prolongée au bruit a des impacts sanitaires connus[25] :

   - l’impact sur l’audition : effets auditifs comme la surdité, les acouphènes, l'hyperacousie

   - les effets extra-auditifs dits subjectifs : gêne, effets du bruit sur les attitudes et le comportement

  -  les effets extra-auditifs dits objectifs : troubles du sommeil, effets sur le système endocrinien, sur le système cardio-vasculaire, sur le système immunitaire, sur les apprentissages et sur la santé mentale.   [26]

 

Pour l’avenir, la CU de Limoges projette l’installation d’installations classées pour la protection de l’environnement pour la production de gaz à partir de déchets de bois (40 000 t/an) et de carburants renouvelables de 2e et 3e génération à moins de 2 km du site de l’incinérateur actuel sur la zone d’activité de la Grande Pièce. L’appel d’offres pour cette installation est d’ores et déjà lancé alors qu’aucune consultation n’a été menée auprès des riverains impactés. Devrait s’ajouter une installation de production d’hydrogène en plus du futur dépôt de transport en commun de la STCL, toujours sur la même zone.

  La densification d’activités industrielles dans cette zone urbanisée ne laisse pas présager d’améliorations significatives sur la qualité de vie et la santé de la population impactée.


[18] https://barrage-nature-environnement.fr/index.php/nos-actions/68-resultats-enquete-impacts-de-l-incinerateur-de-limoges-sur-les-riverains

[19] https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2007et0006Ra.pdf
[20] https://www.ors-idf.org/nos-travaux/publications/benefices-sanitaires-attendus-dune-zone-a-faibles-emissions-metropolitaine/
[21] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044590127

[24] https://www.haute-vienne.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement-risques-naturels-et-technologiques/Bruit-des-transports/cartes-strategiques-de-bruit
[25] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CNB_Effets%20du%20bruit_vf.pdf
[26] Géoportail biodiversité Nouvelle-Aquitaine