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3.4.    Impacts sanitaires des déchets de l’incinération
Les déchets qui entrent dans l’incinérateur ne partent pas tous en fumée.

3.4.1.       Les mâchefers d’incinération de déchets
Après passage dans les fours de l’incinérateur, tous les déchets n’ont pas réussi à brûler complètement. Ces résidus sont appelés mâchefers. Ils représentent environ 20% du tonnage entrant, soit 18 718 tonnes en 2021. Ils sont maturés plusieurs mois (mis en tas à l’air libre) et déferraillés à Chaptelat. Après contrôle de leur teneur en polluants ils sont déclarés aptes ou non à une utilisation en sous-couche routière ou remblai, encadré par le décret n° 2011-767 du 28 juin 2011. Le rapport[17] de 2022 commandité par Zero Waste Europe révèle la toxicité des mâchefers d’incinération et l’insuffisance des réglementations existantes, après analyse de plus de 70 publications scientifiques indépendantes de l’industrie du traitement des déchets. Toutes les matières incinérées forment un ensemble très complexe impliquant des milliers de réactions chimiques. Ainsi les mâchefers contiennent des concentrations totales importantes d’éléments classés « hautement préoccupants » au niveau international et par le règlement européen REACH (encadrant la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne), et des polluants organiques persistants (POP). L’auteur du rapport établit que les méthodes de contrôle en vigueur dans la plupart des pays européens sont incohérentes et non représentatives de la “vraie vie” des mâchefers. Par exemple, les tests en laboratoire ne tiennent compte que de la lixiviation à court terme, alors que certains polluants peuvent encore infiltrer les sols après 6 années.

Les mâchefers sont des déchets dangereux. Lorsqu’ils sont utilisés en sous-couche routière, les lixiviats sont toxiques, 12 802 tonnes utilisées en 2021 en Haute-Vienne. Il existe une obligation de traçabilité des ouvrages routiers utilisant les mâchefers qui n’est pas satisfaisante. Que l’on cartographie les lieux que nous polluons, c’est un moindre mal, mais l’objectif reste de ne pas polluer. Nous demandons un moratoire sur l’utilisation des mâchefers en technique routière.

3.4.2.       Les REFIOM
Le traitement des fumées lors de l’incinération génère des déchets. Le passage de la fumée dans la chaudière, le refroidisseur et les filtres à manches permet de capter les particules solides. Ces particules solides, appelées Résidus d’Épuration des Fumées d’Incinération des Ordures Ménagères (REFIOM), sont stockées temporairement dans un silo. Il est à noter que ces particules constituent des déchets dangereux, car elles concentrent les polluants les plus dangereux des fumées d’incinération, soit 2366 tonnes en 2021 (2,45% du tonnage entrant), qui sont onéreuses à traiter en moyenne 230 euros HT par tonnes. Les REFIOM de l’incinérateur de Limoges sont stockés dans l’installation de stockage dangereux de Champteussé sur Baconne dans le Maine-et-Loire.

3.4.3.       Les eaux résiduaires de l’incinération
Les eaux résiduaires sont testées pour 22 polluants avant d’être rejetées dans le réseau d’assainissement collectif de Limoges, à la condition que les polluants mesurés de dépassent pas les seuils autorisés. En 2021, il a été constaté des dépassements du chrome VI+, irritant et cancérigène, durant quatre mois avant que la source de la pollution ne soit découverte, obligeant à prendre des mesures telles la création d’un circuit de décantation, la mise en place d’une solution pour éviter les rejets par entraînement et la mise en œuvre d’une solution de traitement des eaux usées sur site à partir de 2023. Tout comme les émissions gazeuses, il reste les molécules qui ne sont pas réglementées et contrôlées. La politique de gestion qui consiste à agir une fois qu’une pollution est constatée, et seulement pour les polluants réglementés, n’est pas satisfaisante et ne peut que conforter la défiance de la population.

Il semble prudent d’affirmer que l’incinération est un mode traitement de déchets non soutenable du fait que certaines molécules polluantes n’admettent pas de seuil autre que zéro (mercure, plomb, cadmium, PCB, dioxines bromées PBDD/F). L’incinération doit être réduite à son strict minimum si elle doit être mobilisée dans la gestion des déchets, éloignée de zone habitée, accompagnée de mesures complémentaires de molécules polluantes non encore réglementées comme les particules ultrafines (PM0,1) ou en cours de l’être comme les dioxines et furannes bromés. De plus, un moratoire sur l’utilisation des mâchefers en technique routière doit être envisagé pour cesser les pollutions diffuses.

[17] A.N.Rollinson, Zero Waste Europe 2022 – Retombées toxiques, les mâchefers d’incinération des déchets dans une économie circulaire