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2.5.    Caractéristiques du projet
2.5.1.       Gisement de déchets
Dans l’étude sur la reconstruction de l’usine d’incinération des déchets, dont seulement les treize premières pages nous ont été transmises suites à notre demande adressée à la CADA, deux hypothèses de dimensionnement sont retenues pour 2030, dans l’optique de production énergétique avec par exemple pour la CU de Limoges de réduire de 20% les apports d’OMr. En fonction des territoires desservis, Evolis 23 seulement ou la Creuse, il en résulterait :

-  83 5000 tonnes de déchets par an minimum en 2030

-  110 000 tonnes de déchets par an maximum en 2030

Rapport d’étude de faisabilité pour la reconstruction de la CEDLM – commande de la CU de Limoges au Cabinet Merlin, août 2021 obtenu partiellement après demande d’intervention de la CADA.

Les capacités de traitement passeraient de 12,4t/h sur l’incinérateur actuel à 14,1 t/h pour le projet et verrait augmenter sa production de chaleur de 15 MW th à 24 MW th et sa production d’électricité de 1,5 MWe à 9,8MWe.

L’estimation des gisements est réalisée seulement pour 2030. Il est nécessaire d’envisager qu’elle pourra être l’évolution de la production pour 2040 et 2050 en considérant les enjeux de prévention et d’économie circulaire qui sont appelés à s’accroître au cours des décennies à venir.

Gisement envisagé pour la CU de Limoges en 2030 : il est estimé au minimum à 180kg/hab/an pour 2030 d’apport d’OMr.  Cela semble sous-estimé si l’on considère :

- le retrait des biodéchets (38% maxi des OMr) à compter de 2023 qui ont un impact massique important, puisque constitués principalement d’eau,

- l’inversion des collectes des OMr et de tri qui devraient contribuer à diminuer le gisement d’OMr,

- la mise en œuvre des nouvelles filières REP en plus des 40% des déchets destinés à l’incinération qui relèvent de filières REP déjà existantes.

De plus, l’instauration d’une tarification incitative serait en mesure de diminuer de 10% à 20% la quantité d’OMr à incinérer. Bien que comparaison ne vaille pas raison, on peut constater que des communautés urbaines de population équivalentes à Limoges Métropoles ont d’ores et déjà atteint en 2020 des productions de l’ordre de 180 kg/an/hab (Angers, Arras) ou encore inférieurs 142 kg/hab/an pour Grand Besançon qui a mis en place une redevance incitative. Il peut être tout du moins conclut qu’il est possible pour les communautés urbaines de réduire leur production d’OMr, de plus ou moins grandes ampleurs en fonction des politiques menées.

Gisement envisagé pour le SYDED 87 : il est estimé entre 120 kg/an/hab et 140 kg/an/hab. Or dans le PLPDMA 2022-2027[7], le SYDED 87 prévoit un objectif de diminution de -18% par rapport à 2019 des DMA et OMA, qualifié de « très ambitieux » alors que cela revient exactement à respecter l’objectif de réduction de -15% par rapport à 2010, fixé par le PNPD. Cela nous semble inquiétant, car comme vu précédemment, lorsqu’une collectivité ou un syndicat de gestion des déchets se fixe pour objectifs ceux imposés par la loi, l’histoire récente fait la démonstration qu’il existe peu de probabilité qu’ils soient atteints. Cela équivaudrait à une production d’OMr de 163 kg/an/hab en 2030 pour le territoire du SYDED 87.  Il y a là une incohérence entre les deux prospectives qui interroge. Soit l’étude réalisée par le cabinet Merlin surestime largement les capacités de réduction, soit le SYDED 87 sous-estime ses possibilités de diminuer la production de déchets. Il est dans tous les cas à considérer l’obligation de retrait des biodéchets, la création des nouvelles filières REP ainsi que l’amélioration du tri pour les REP existantes et l’engagement de plusieurs communautés de communes du territoire à passer en tarification incitative les prochaines années qui sont autant de possibilités de réduction pour le territoire du SYDED 87.

Un objectif très ambitieux pourrait correspondre à diminuer de moitié les OMr d’ici 2030.

 

Gisement Évolis 23 et Creuse : Évolis 23 a réalisé la plus forte réduction d’OMr depuis 2010 et de façon conséquente depuis son passage à la tarification incitative en 2018. Partant de 217 kg/an/hab, la production d’OMr à atteint 147 kg/an/hab. C’est un progrès remarquable qui peut être constaté dans les communes à dominantes rurales qui se saisissent de la problématique des déchets. La limite maximale projetée dans l’étude table sur 140 kg pour 2030. Il semble qu’Évolis dispose encore de marge de progrès si l’on considère les résultats de l’étude de caractérisation des déchets qui a été menée en 2021 sur son territoire.

[7] https://www.syded87.org/fr/actualites/730-plpdma-un-nouveau-plan-local-pour-la-reduction-des-dechets

Évolis 23 – Lettre info-déchets août 2022

 

Sur 147 kg d’OMr, 103 kg soit 70% du total pourraient être détournés de l’incinération. Il est aussi remarquable qu’en comparaison à la précédente caractérisation datant de 2015, les déchets résiduels (relevant de l’incinération) ont été réduits de 55,5% en passant de 99 kg à 44 kg.

En l’état, si la politique de gestion est continuée, il parait plus que probable qu’en 2030 que le minimum déterminé par l’étude du Cabinet Merlin à 120 kg soit atteint voire dépassée.

Cependant, cette progression prometteuse pourrait être freinée, si l’on considère le souhait exprimé d’un transfert de la compétence traitement à Évolis 23 par les collectivités de Creuse Grand Sud, Creuse Confluence, Creuse Sud-Ouest, Marche et Combrailles en Aquitaine et le SICTOM de Chénérailles, afin de maintenir la gouvernance tripartite de l’entente, tout en garantissant des exutoires au reste du département creusois.

 Pour conclure sur le gisement des déchets, ce dimensionnement purement technique, s’il a pour mérite de donner des ordres de grandeur, va à l’encontre d’une réelle politique de gestion de déchets si l’on considère que l’on ne peut pas fixer d’objectif de production d’énergie à partir de déchets. De plus l’estimation de la production de déchets est réalisée à échéance 2030, année potentielle de mise en service du futur incinérateur, installation qui fonctionnera au moins trente ans. Cela laisse à penser que les capacités seront figées pour ces trois décennies. Cela n’est ni raisonnable ni souhaitable, car cela indiquerait que peu d’efforts seraient faits pour réduire les OMr ou qu’il faudrait accepter des déchets venant d’autres territoires pour assurer la production énergétique programmée. Et cela ne prend pas en compte les enjeux d’économie circulaire et de sobriété d’usage de matières.

2.5.2.       Gisement prospectif : étude transition 2050 de l’ADEME
L’ADEME vient de réaliser une étude pour illustrer quels pourraient être les trajectoires possibles visant à conduire la France vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les paramètres couverts par cette analyse prospective couvrent la demande en énergie, les consommations d’eau, de matériaux de construction, d’intrants agricoles et d’usage des sols, la production et la gestion des déchets, la production d’énergie et la composition du bouquet énergétique, les importations et les exportations, enfin les bilans des émissions de gaz à effet de serre et les puits biologiques et technologiques. Cela a abouti à la construction de quatre scénarios en comparaison au scénario tendanciel qui prennent les hypothèses suivantes concernant la gestion des déchets :

https://transitions2050.ademe.fr/

 

Les centres d’enfouissements verraient les quantités de déchets non dangereux quasiment disparaitre pour trois scénarios et largement diminuer dans un scénario. Dans tous les scénarios, le recours à l’incinération baisse de plus des deux tiers au profit du réemploi, de la réparation et la valorisation matière et fabrication de combustible solide de récupération (CSR).

Si l’on évalue le gisement des déchets à incinérer sur la base des scénarios ADEME en prenant les mêmes hypothèses de population minimales et maximales ainsi que les apports extérieurs de l’étude fournie dans les documents de la concertation, et en faisant l’hypothèse d’une réduction par tiers tous les dix ans, on constate que :

- pour 2050 seul le scénario tendanciel correspondrait au gisement calculé dans l’étude du cabinet Merlin, c’est-à-dire en considérant que les actions entreprises seront le prolongement des dynamiques de long terme observées dans le passé.

- dès 2040, dans les quatre scénarios, les capacités maximales d’incinération atteindraient le seuil minimal qu’indique le cabinet Merlin aux alentours de 85 000 tonnes.

- pour 2050, les capacités attendues seraient comprises entre 66 600 tonnes au maximum et 44 801 tonnes au minimum.

À la comparaison de ces deux prospectives, il apparaît clairement que les évolutions visées dans le dossier de concertation sont inférieures au scénario tendanciel de l’ADEME pour l’échéance 2050. Il est étonnant qu’aucune diminution de production de déchets résiduels entre 2030 et 2050 ne soit envisagée pour tout le territoire du SYDED 87 et d’Évolis 23. Cela laisse entre percevoir qu’il existe des angles morts dans le dossier de concertation que nous avons déjà mentionnés, qui doivent être réexaminés.

 Ces éléments de prospectives, s’ils ne servent pas à prédire l’avenir sont néanmoins des points d’appui à considérer si l’on souhaite prendre en compte sérieusement les objectifs de décarbonation de l’économie française.

Comment prenons-nous en compte ces évolutions nécessaires qui s’imposeront dans le dimensionnent de l’incinérateur ? Sommes-nous prêts à accepter de fournir des efforts pour réduire la quantité de déchets résiduels et par conséquent, pour des raisons financières ou par obligation de

l’État, à accepter et concentrer les pollutions au fur et à mesure des déchets des collectivités qui n’ont déjà plus ou n’auront plus d’exutoires comme la Charente, la Dordogne, les Deux-Sèvres, une partie de l’Indre et de l’Allier ?

Des limites territoriales devraient a minima être définies concernant la zone de couverture des exutoires en prenant en compte pas seulement les enjeux économiques, mais surtout les enjeux sanitaires, environnementaux et sociaux. À ce titre, il est regrettable que le PRPG ne nous soit d’aucune aide.

Ce sont les politiques de gestion des déchets sur chaque territoire qui sont essentielles à la détermination des capacités à traiter, cela n’interdira en rien la récupération d’énergie fatale. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est très claire à ce sujet, concernant la valorisation énergétique des déchets, il n’y a pas d’objectif quantitatif de production d’énergie à partir de déchets.

Les estimations de gisements définies dans l’étude, commandée par la CU de Limoges, sont incomplètes dans la durée. 

Il semble donc impératif de décliner les objectifs de gestion des déchets de la prévention jusqu’à l’élimination pour 2040 et 2050, pour un territoire délimité afin d’estimer au mieux les capacités nécessaires des exutoires de valorisation énergétique et d’élimination.